Le Figaro
Août 2020

Marine de Soos, un instant de grâce à Saint-Martin-de-Ré
BERTRAND DE SAINT VINCENT
LA BEAUTÉ du geste. Celle d’un jeune flûtiste, qui marche, jouant avec insouciance de son instrument ; d’un pêcheur, assis sur des échasses, guettant sa prise au-dessus de l’eau, les jambes ballantes ; d’un adolescent, saisi dans sa course, faisant rouler devant lui, penché, du bout de sa baguette, un cerceau métallique. Le Pousseur de lune, indique la légende. Et que dire de la Femme à l’enfant ? Dans leur dépouillement, leur élan joyeux, chacune de ses attitudes, immémoriales, traduit une vérité, une profondeur. Ces êtres ne posent pas ; ils sont.
« Rendre la beauté de la vie »
En huit sculptures, présentées dans le cadre majestueux de l’hôtel de Clerjotte, ancienne demeure seigneuriale du XVe siècle à Saint-Martin-de-Ré, Marine de Soos instaure un climat de légèreté éphémère dans la pesanteur du monde. Depuis plus de vingt ans, cette longue femme brune aux silences intérieurs agités poursuit, au fil du bronze, une œuvre née de ses souvenirs exotiques. Captées dans une nature que rien ne vient troubler, ses silhouettes longilignes venues d’Éthiopie, de Birmanie ou d’Indonésie ont l’innocence de l’enfance. Suspendus dans l’espace et le temps, semblant émerger de la brume d’une poétique rêverie, il émane de leurs formes graciles une sensation d’élégance, de plénitude, de sérénité.
« J’ai voulu, commente l’artiste, rendre la beauté de la vie, la grâce d’un moment. » Surpris dans leur intimité, absorbés par ce qu’ils font, ses personnages solitaires, de grande taille, ne pèsent jamais dans le paysage. Ils le prolongent, l’habitent, l’enchantent. Avec une sensibilité que l’on devine à fleur de peau, une émotion dont elle avoue qu’elle « ne peut travailler sans », Marine de Soos transmet un message d’une bouleversante simplicité.
Marine de Soos, Musée Ernest Cognacq, Saint-Martin-de-Ré (17), jusqu’au 30 septembre.
